Le régime de retraite français est un système par répartition. C’est à dire que les pensions sont payées grâce à des cotisations prélevées en temps réel sur la population active (population en âge de travailler ayant ou non un emploi). Dans ce système les cotisants acceptent une ponction sur leur revenu brut en échange d’un revenu différé. Dans ce système le cotisant ne paie pas sa retraite mais la promesse que de nouveaux cotisants la lui paieront lorsqu’il atteindra lui même l’âge de la retraite.
Ce système assure sa pérennité par le respect des promesses faites aux cotisants ou à contrario de la mauvaise information des cotisants sur la soutenabilité du régime. Le système de régime par répartition est apparu à l’époque de Bismarck en Allemagne (fin du 19ème siècle). En France il a vraiment été institué en 1946 et il n’a donc en définitive que 67 ans d’existence.
Plus de retraités et pas assez de cotisants
Depuis les années 1990 le système de retraite par répartition a vu sa situation se dégrader. En effet après 1975 le rapport cotisants / retraités n’a eu de cesse de se détériorer. En 1975 on comptait 13 millions de cotisants pour 4,1 millions de pensionnés. En 2011 le nombre de cotisants était de 18 millions (augmentation de 38%), le nombre de retraités étant quant à lui passé à 12,9 millions soit une hausse de 214 %.
Comme l’illustre le graphique ci dessous le rapport cotisants / retraités a vraiment connu une évolution défavorable. Sur les dernières années il tend à s’établir à un niveau de 1,5 cotisant par retraité. Selon les prévisions du conseil d’orientation des retraites ce taux devrait légèrement croître à l’horizon 2020 pour ensuite continuer à se dégrader.
Cette évolution prévue remet en cause une idée assez largement répandue tendant à expliquer que le système de retraite ne traverse qu’un trou d’air conjoncturel. Au contraire il existe bel et bien un changement profond et pérenne des termes de l’équation retraite.
Un financement de plus en plus difficile
Pour financer un système par répartition et assurer son équilibre financier il faut arriver à équilibrer:
– le volume de cotisation qui est fonction du taux de cotisation x salaire moyen x nombre de cotisants
– le volume des prestations qui est fonction du niveau moyen des pensions x nombre de retraités
Pour assurer cet équilibre il existe donc différentes options ce qui explique que les politiques évoquent souvent la notion de leviers (ex: âge de départ à la retraite, gel du niveau des pensions…).
Parmi les paramètres du financement de système de retraite certains tiennent à l’évolution de la population (ex: espérance de vie). D’autres sont la résultantes de décisions (ex: taux de cotisations). Au cours des dernières années le taux de cotisations a évolué et va encore être modifié. Ainsi en 2012 le taux de cotisation d’assurance vieillesse plafonnée était de 8,3 % pour la part employeur et 6,65 % pour la part salarié. Il passera à 8,55% pour la part employeur et 6,9% pour la part salarié soit une hausse de 0,5 points. Or ce taux étant élevé, celui ci grévant les masses salariales et dans un contexte de concurrence internationale les hausses de cotisations sont devenues plus difficiles.
Depuis les années 1990 le système de retraite a connu des déficits. Ces résultats négatifs ont entraîné la mise en place de plusieurs réformes à l’image de la réforme Balladur de l’été 1993. La réforme Fillon de 2003. La réforme des régimes spéciaux de 2007 et enfin la réforme Woerth de 2010. Le problème c’est que ces réformes successives n’ont pas réussi à remettre le système à flots.
En 2000 la France s’était dotée d’un observatoire pour son système de retraite : le COR (conseil d’orientation des retraites). Depuis plusieurs rapports ont été élaborés par ce conseil. Les études les plus récentes datent de 2007 et 2010. Entre ces deux dates les perspectives du régime de retraite s’étaient dégradées de façon très importantes (voir graphique ci dessous).
La réforme Woerth (2010) aussi appelée réforme Sarkozy a permis une amélioration de la situation (cf rapport du COR de 2012). Toutefois le système n’est toujours pas sauvé. La situation reste très critique et les déficits loin d’être résorbés.
En 2013 1 pension sur 20 a été financée par endettement
Au jour d’aujourd’hui la France verse à 16 millions de retraités un montant total d’environ 279 milliards d’euros soit environ 14,4 % de sa richesse nationale (PIB). Le déficit de son régime de retraite s’est établi à 14 milliards en 2011 et devrait monter à 16 milliards en 2013.
En 2013 on peut donc estimer qu’une pension de retraite sur 20 sera financée à crédit. Dans le domaine financier payer des dépenses de court terme avec des ressources de long terme est la première étape vers la faillite. En ne réduisant pas son déficit c’est un peu comme si la France payait sa baguette de pain avec un crédit revolving. Il est vrai que la France emprunte actuellement à des taux intéressants mais le principe reste toutefois le même.
Des prévisions ambitieuses
Comme nous l’avons vu les prévisions du COR ne sont guère encourageantes concernant le système de retraite. A vrai dire lorsqu’on se penche un peu plus sur les études de l’organisme et lorsque l’on consulte les 145 pages de leur publication de décembre 2012 on découvre que leur prévisions sont en plus assez optimistes. A la page 89 du document on peut en effet trouver ce tableau:
Dans le cadre de son travail le conseil d’orientation des retraites a prévu 3 scenarii. Le scénario A qui correspond à une vision optimiste de l’avenir. Le scénario B qui correspond à une prolongation de la situation d’avant 2009 (situation avant crise). Un scénario C sensé être le plus pessimiste. Dans le cadre de ce scénario le déficit du régime de retraite serait appelé à s’établir à 114 milliards d’euros en 2050. Le problème c’est que la vision la plus pessimiste semble tout de même âtre assez ambitieuse.
On peut en effet voir que le taux de chômage prévisionnel est envisagé à 7% de la population active. Au jour d’aujourd’hui le taux de chômage s’établit à plus de 10 % de la population active. Le taux de 7% n’a jamais été atteint depuis 1983. Plus de chômeurs c’est moins de cotisants ou un alourdissement du déficit du régime d’assurance chômage. Les prévisions ne sont donc pas encourageantes mais devraient être encore plus négatives.
Notre régime de retraite est mort
Si on se souvient les années 1990 on peut se rappeler qu’à l’époque la soutenabilité de notre système de retraites étaient remise en cause. De 1997 à 2000 la conjoncture internationale positive avait fait perdre de vue cette fragilité. C’est donc avec d’autant plus de gravité que le déséquilibre de notre système est réapparu dans les années 2000 / 2010 avec une accélération brutale de la dégradation sous l’effet de la crise de 2009.
Depuis les années 90 le système de retraite français n’a cessé de prendre l’eau. Le pire n’est pourtant pas derrière nous et les perspectives sont noires. Dans ce contexte il conviendrait d’annoncer clairement la mort de notre système de répartition et d’envisager un dispositif de sortie organisée. Sans ce courage la France n’aura d’autre alternative que d’appauvrir ses retraités de façon massive et par la même de déprécier les droits virtuels qu’elle avait distribués aux cotisants.
